Par Alan Tsubasa Pülz
« Ma journée commence par une petite promenade à pied à partir de la maison communautaire de Medan. J’y vis avec mon collègue de travail, Gilbert, pendant mes quatre mois d’affectation à Sumatra. Toutes les deux semaines, Ben, biologiste et chercheur sur les orangs-outans, ainsi que Mire, de l’équipe marketing, se joignent à nous durant quelques jours dans cette maison. Lors de ma brève promenade dans le quartier, je passe devant plusieurs « warungs », ces petits stands de café et de restauration rapide qui abondent à Medan. J’arrive à la Ring Road et commande un taxi ou une moto qui me conduira au bureau de la fondation YEL (Yayasan Ekosistem Lestari). La circulation dans la ville étant plutôt chaotique, je n’étais pas du tout à l’aise au début. Depuis, je m’y suis bien habitué. Le trajet dure environ dix minutes, juste ce qu’il faut pour me réveiller en douceur.
Arrivé au bureau, je salue les collègues. YEL est l’organisation partenaire de PanEco pour laquelle je travaille pendant mon service civil. Je profite généralement de l’occasion pour échanger avec mes collègues autour d’un café. Après nous être brièvement organisés, nous partons en minibus avec Irwin, l’un des chauffeurs de YEL, en direction du refuge « Orangutan Haven », mon lieu de travail pendant mon affectation. Souvent, d’autres collègues de l’équipe vétérinaire ou de l’équipe d’éducation environnementale, m’accompagnent et je profite du trajet d’environ 45 minutes pour enrichir mon vocabulaire en bahasa indonésien ou pour discuter avec les autres. J’apprends ainsi beaucoup de choses passionnantes sur le travail de YEL, sur le rôle, par exemple, des stations de réintroduction des orangs-outans. Parfois, Irwin a encore des courses à faire en chemin – des fruits pour les orangs-outans ou d’autres petites commandes – et je découvre ainsi de nouveaux coins cachés de la ville. Petit à petit, j’ai mémorisé l’itinéraire vers le refuge : nous passons devant des petits villages, la forêt tropicale et des plantations, en suivant la route principale en direction de Berastagi. Avant d’atteindre le refuge, nous allons quasiment tous les jours chercher le repas de midi dans un « Rumah Makan », un petit restaurant local. Progressivement, j’arrive à peu près à communiquer en indonésien avec le personnel, toujours très aimable.
Une fois arrivé au refuge, je commence tout de suite à travailler au sein de l’équipe d’architecture, composée de Gilbert, responsable de la gestion des travaux, de Jhon, architecte local et chef de projet, et d’Immanuel, dessinateur talentueux. Notre lieu de travail se trouve dans le point de vente des tickets, une élégante construction en bambou conçue par Jhon. De là, nous avons une vue directe sur le pont en bambou, l’entrée officielle du refuge, ainsi que sur les toilettes (en construction) et l’atelier de bambou prévu pour tous les projets de construction. Les travaux réalisés dans le refuge reposent sur un concept durable qui utilise le bambou et la terre battue, deux matériaux biosourcés, disponibles localement et respectueux de l’environnement. Le bambou est un matériau de construction polyvalent qui, non seulement repousse extrêmement vite, mais séduit aussi par sa flexibilité et sa résistance. La faible empreinte carbone de ces matériaux est essentielle pour atteindre l’objectif de réaliser des projets de construction écologique.
Actuellement, nous travaillons sur les plans de construction du lieu de torréfaction du café, qui fera partie du futur restaurant du refuge. Mes tâches comprennent, entre autres, la création de dessins techniques pour les fondations des bâtiments, ainsi que l’élaboration de différentes variantes de la construction du toit en bambou dans le logiciel de modélisation 3D Rhino. Parallèlement, je travaille également sur des projets plus modestes, comme la conception d’une billetterie ou d’une vitrine pour les articles de vente en bambou.
Le travail est varié et me plaît beaucoup – j’apprends tous les jours davantage, notamment sur l’utilisation du bambou et ses spécificités. Je visite régulièrement les chantiers et j’aide parfois aussi. Le contact direct avec les artisans est quelque chose que j’apprécie beaucoup ici. Les relations de travail sont très cordiales et ne sont pas compliquées. Ainsi mes connaissances sur le traitement des matériaux s’améliorent rapidement. La construction des toilettes « unité 3 » est presque terminée et le déroulement des travaux de l’usine de compostage dans l’éco-ferme est passionnant. Actuellement, on y travaille sur le toit en bardeaux, dont la structure principale est constituée de poutres en bambou courbées. Je suis impressionné de suivre, petit à petit, la concrétisation de notre travail, de nos idées et des dessins techniques.
Pour le déjeuner, nous nous asseyons généralement sur le pont pour manger ensemble et profiter de la vue sur le fleuve. L’après-midi, le refuge accueille souvent des visiteurs à qui nous faisons découvrir l’atelier de bambou et le concept architectural de construction durable. J’ai beaucoup de plaisir à participer à ces visites, à répondre aux questions et parfois même à aider à la traduction. Certains jours, j’ai même l’occasion de voir les orangs-outans sur leurs îles, à l’intérieur du refuge. L’après-midi passe généralement très vite et après une journée bien remplie, nous retournons à Medan avec Irwin et les autres collègues.
Parfois, nous sommes surpris par une averse soudaine qui rafraîchit agréablement l’air. De retour au bureau de YEL, soit je prends un taxi pour rentrer chez moi, soit je retrouve des amis dont j’ai fait la connaissance à Medan. A présent, je me suis bien adapté à la ville. Les gens que je rencontre ici sont ouverts et aimables, et on m’aborde souvent dans la rue. Cela me donne un bon aperçu de la culture locale et de la vie à Medan. J’ai déjà pu assister à des mariages et à des enterrements. J’ai aussi été invité à manger dans des familles. Ces expériences sont incroyablement précieuses pour moi et montrent à quel point l’échange culturel est enrichissant – et également dans le cadre du travail au refuge. Après une longue journée riche en expériences et en impressions, je tombe le soir dans mon lit – bercé par les voix bruyantes des voisins qui chantent au karaoké ».